Partout dans le monde, il est « l’homme qui répare les femmes », celles victimes de violences sexuelles dans le cadre des conflits armés du Congo. Denis Mukwege sillonne le globe pour dénoncer l’utilisation du viol et des violences sexuelles comme arme de guerre. Il a plaidé la cause à l’ONU, rencontré les Clinton, John Kerry, Ban ki Moon, reçu l’appui d’Angelina Jolie, et partagé le prix Nobel de la paix 2018.
Denis Mukwege est né en 1955 près de Bukavu (République démocratique du Congo, RDC). Enfant, il accompagne son père, pasteur évangélique, lors de ses visites aux malades. Une vocation est née. En 1983, il obtient son doctorat de médecine à l’Université du Burundi. « À l’époque, mon domaine de prédilection était la pédiatrie. Ma thèse portait sur la vaccination des nouveau-nés contre l’hépatite B ».
Denis Mukwege est rapidement confronté à la forte mortalité maternelle qui touche les femmes de son pays. Et décide de se tourner vers la gynécologie-obstétrique. En 1984, il obtient une bourse et arrive à l’Université d’Angers pour se former à cette spécialité. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est le froid de l’hiver ».
À Angers, Denis Mukwege trouve de la chaleur auprès des nombreux amis qu’il se fait et fonde avec eux l’Association France-Kivu qui n’a jamais cessé de le soutenir. Après 5 ans au CHU, les propositions d’installation ne manquent pas, mais son altruisme et son civisme ont raison de ses hésitations. Il rentre en RDC en 1989 et s’occupe de l’hôpital de Lemera, dont il devient médecin-directeur. L’établissement est totalement détruit lors du conflit de 1996.
Après ce drame, Denis Mukwege préside à la construction de l’hôpital de Panzi (450 lits) qu’il dirige depuis 1999. Il crée ensuite une faculté de médecine et une école de sages-femmes.
Le viol comme arme de guerre
À compter de 1999, le viol est utilisé comme arme de guerre en RDC. Il concerne des femmes de tous âges, mais aussi des enfants et des nourrissons. À Panzi, en 18 ans, « nous avons pris en charge plus de 51 900 femmes et 2100 enfants de moins de 5 ans ». Le Dr Mukwege organise l’accueil des victimes (10 à 15 nouveaux cas par jour), offrant une prise en charge globale : chirurgicale puis psychologique et sociale, sans oublier une assistance juridique.
Denis Mukwege utilise sa renommée internationale pour dénoncer les exactions perpétrées par les groupes armés au profit des trafics miniers et devient une cible. En 2012, il échappe miraculeusement à une tentative d’assassinat. Réfugié en Belgique, puis aux USA, il décide de rentrer au pays, en réponse à la demande pressante des femmes du Kivu, et vit désormais reclus au sein de l’hôpital. « Je suis témoin des crimes commis contre les femmes et le corps des femmes. Face à cela, nous ne pouvons pas baisser les bras », justifie-t-il. Sa sécurité est assurée en permanence par les forces de l’ordre.
Son action en faveur des droits humains a été couronnée par de nombreuses distinctions : Légion d’honneur, Prix Olof Palme, Prix du Roi Baudoin, Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit en 2014… Le 23 janvier 2018, l’Université d’Angers lui a remis le titre et les insignes de docteur Honoris Causa. Le 5 octobre de la même année, consécration : le prix Nobel de la paix est attribué à Denis Mukwege et à la Yazidie Nadia Murad, ex-esclave du groupe État islamique, « pour leurs efforts pour mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre ».
Sorti en 2015, le film L’homme qui répare les femmes ou la colère d’Hippocrate, de Thierry Michel et Colette Braeckman, retrace le combat du Dr Mukwege (voir l'extrait ci-dessous).